A propos de « Buongiorno, notte »

Objet: A propos de « Buongiorno, notte » de Marco Bellocchio
Date: 7 février 2004 14:17:24 GMT+01:00
Quelques petits compléments après avoir vu ce film…

…qui aura au moins lancé le débat.

Bellocchio oublie de replacer le contexte: PCI trahissant ses bases, démocratie chrétienne s’illustrant dans la corruption. Le gentil Aldo Moro n’était peut-être pas qu’un vieux monsieur si gentil, mais le dirigeant d’un parti réactionnaire, parfois violent, corrompu. Sans doute pas le pire des dirigeants de la démocratie (prétendue) chrétienne, mais un homme qui a demandé et accepté une responsabilité de premier plan.

Finalement, la maladresse politique des militants reste la seule chose qui soit plutôt bien rendue.
Dommage donc qu’il ait préféré répondre à une commande plutôt que de se « limiter » à une (très belle) fiction sur les limites humaines et politiques du terrorisme, ce qu’il montre et fait ressentir avec talent. Son propos et le cinéma y auraient gagné…

Quelques extraits/références d’articles sur Internet

« Les geôliers de Moro espéraient que leur action encouragerait un soulèvement des masses. Il y eut certes d’immenses manifestations, mais à l’appel du PCI et des syndicats pour dénoncer «ces brigades soi-disant rouges». Seuls quelques rares intellectuels, dont Rossana Rossanda, sans ambiguïté dans leur condamnation du recours aux armes, eurent le courage d’appeler la gauche à feuilleter «l’album de famille» pour comprendre les racines de ce «terrorisme rouge», qui, à la différence de celui de la Rote Armee Fraktion allemande, eut le soutien de jeunes «prolos» en colère ou de militants vivant dans le mythe de la guerre des partisans trahie par le parti après la libération. »

« Apogée du défi terroriste, cette «attaque au coeur de l’Etat impérialiste des multinationales», selon la terminologie brigadiste, marqua aussi le début de la fin d’une lutte armée de plus en plus isolée. Beaucoup avaient rêvé d’un procès de l’Etat démocrate-chrétien pour faire la lumière sur sa corruption et ses complots. Mais ces terroristes s’arrogeant le droit de vie et de mort sur un otage désarmé paraissaient plus horribles que tout. En outre, les ravisseurs de Moro n’ont obtenu aucune révélation. Sur le plan «politique», leur échec fut total car les autorités et les dirigeants de la DC sont restés inflexibles malgré les dizaines de lettres écrites par l’otage à ses amis des partis ou aux principaux responsables des institutions. «Est-il possible que vous soyez tous d’accord pour vouloir ma mort au nom d’une prétendue raison d’Etat ?» s’indigne Aldo Moro dans l’un de ses derniers messages. »
… « Depuis la sortie du film, les discussions ont surtout porté sur le bien fondé du choix de l’intransigeance face aux revendications des BR. »
[Libération]

« Ainsi, quand la répression – celle du patronat dans les usines et celle de la police, bénéficiant d’un nouvel arsenal législatif, dans la société – passa les bornes démocratiques, la résistance en vint à son tour à s’armer. C’est surtout parmi les ouvriers des grandes usines du Nord, sauvagement restructurées, que les Brigades rouges commencèrent à s’organiser ; et c’est dans ces mêmes usines, ou dans les zones limitrophes, qu’apparurent des pratiques de « justice prolétarienne », tantôt de masse, tantôt clandestines. »

… » En 1977, le mouvement connaît une soudaine et très forte flambée, à partir de Bologne, la ville-vitrine de la politique urbaine du PCI. A l’issue d’une manifestation, un énième militant y est tué par la police. Une émeute éclate. Le maire communiste et le gouvernement de « compromis historique » envoient les chars balayer les barricades. »
[Le Monde Diplo.]

1973-1975: A series of governments, beginning with Prime Minister Andreotti’s and ending with Aldo Moro’s, prove unable to deal with economic decline, political corruption, or lawlessness.
[PBS]

P.S.(1): amusante synchronicité,
sur France Culture que j’écoute en écrivant, dans « Le cinema l’apres midi » débat sur le film, avec Claire Denis (déçue par certaines ellipses), et Jean-Claude Guiguet (enthousiaste, mais très réservé quant à l’innocence apparente d’Aldo Moro), Emmanuelle Bercot (très touchée, réservée quant à la représentation politique de l’époque).

P.S.(2): Autre lieu, toujours le même sujet, la responsabilité.
Quand on tue ou condamne le soldat mais libère ou pardonne le général, c’est que l’organisation est en train de basculer en dehors de la démocratie:

Extrait du RAPPORT ANNUEL 2003, Amnesty International, Concernant le France

Détenus malades

En septembre, Maurice Papon, ancien haut fonctionnaire et ancien préfet de police de Paris, a été remis en liberté alors qu’il purgeait une peine de dix ans de réclusion criminelle pour crimes contre l’humanité. En juillet, la Cour européenne des droits de l’homme avait estimé qu’il n’avait pas bénéficié d’un procès équitable, son pourvoi en cassation n’ayant pas été examiné. Maurice Papon a été libéré en vertu des dispositions humanitaires de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui prévoit que les peines des prisonniers gravement malades ou atteints d’une pathologie chronique incompatible avec leur détention peuvent être suspendues indéfiniment. Évoquant les vives préoccupations suscitées par le nombre de détenus atteints du sida, de cancer en phase terminale ou d’autres maladies graves ou chroniques, Amnesty International a demandé au gouvernement, en décembre, des informations sur le nombre de personnes ayant bénéficié d’une remise en liberté en vertu de la nouvelle loi. L’organisation a également exprimé, une fois de plus, son inquiétude quant aux effets potentiellement nocifs d’un isolement prolongé sur la santé physique et mentale des détenus, des conditions qui pourraient s’apparenter dans certains cas à un traitement cruel, inhumain et dégradant. Amnesty International a demandé des informations sur la situation dans laquelle se trouvaient quatre prisonniers qui ont appartenu à l’ancien groupe armé Action directe, en particulier Georges Cipriani et Nathalie Ménigon, dont l’état de santé, qui s’est détérioré après de longues périodes d’isolement, constituait une source de préoccupation pour l’organisation depuis longtemps.
[Amnesty International]

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